[Expired] Thèse: Capteurs électrochimiques à fer pour la maîtrise de L. pneumophila en tours aéro-réfrigérantes
Directeurs de thèse : Christine ROQUES et Pierre GROS, Université de Toulouse, Laboratoire de Génie Chimique UMR UPS / CNRS / INPT 5503, Université Paul Sabatier – Toulouse III, 31062 TOULOUSE (France)
1/ Contexte Scientifique
L. pneumophila (Lp) est une bactérie et un pathogène colonisant fréquemment les réseaux d’eau artificiels. La persistance de la bactérie et sa résistance aux traitements de désinfection sont liées à ses capacités de multiplication et de colonisation des biofilms. La contamination se produit uniquement par inhalation de microgouttelettes d’eau contaminée. Les bactéries inhalées par l’être humain se multiplient, causant une pneumopathie (maladie du légionnaire) potentiellement létale (10 à 15 % des cas). Les Tours Aéro-Réfrigérantes (TAR) comptent parmi les systèmes les plus fréquemment incriminés dans la contamination en raison de conditions de croissance microbiologique favorables : température de l’eau, conductivité, pH et présence de fer. Les gestionnaires de TAR font actuellement face à une problématique ambivalente : le risque sanitaire avéré lié à la présence de légionelles conduit à une gestion irrationnelle des TAR, basée sur des traitements biocides préventifs « probabilistes » et fréquents qui ne s’inscrivent plus dans une démarche de maîtrise des usages et des rejets de ces produits nocifs pour l’environnement.
Si les besoins en fer de Lp sont reconnus, l’implication précise du fer dans la transition mode planctonique / mode biofilm de Lp manque encore de données [1]. La littérature montre que la présence de Lp est accrue pour une concentration en fer dans une eau comprise entre 2,35 et 4,75 µmol L-1 [2-4]. En-dessous de 3 µmol L-1, la bactérie se retrouve en carence qui se traduit notamment par une diminution de sa virulence. Dans l’environnement la disponibilité en Fe2+ ou Fe3+ dépend également des conditions variables de pH et du caractère oxydant ou réducteur du milieu. Des travaux préliminaires réalisés au laboratoire ont souligné l’importance de la balance ionique du fer sur le comportement de Lp et semblent indiquer qu’un contrôle de la population de Lp ou du moins de son statut peut être réalisé via la maîtrise de la concentration en fer.
2/ Objectifs
Un premier objectif du projet est de définir clairement en quoi les ions ferreux Fe2+ou ferriques Fe3+ sont un indicateur de la présence ou promoteurs des formes planctonique ou sessile de légionelles. Les travaux seront menés en laboratoire, mais également sur un prototype de TAR mis au point par la Société RESONET auquel sera couplé une boucle de recirculation de l’eau qui constituera le réacteur permettant une contamination artificielle contrôlée par Lp (système de décontamination intégré avant re-introduction de l’eau dans le système).
Le second objectif du projet est de mettre au point un capteur électrochimique pour la détection et le dosage de Fe2+ et/ou Fe3+ dans les eaux des TAR, utilisé comme indicateur de la présence de légionnelles ou d’alerte de conditions favorisant la présence de légionnelles. Les méthodes électrochimiques sont privilégiées car, contrairement aux techniques de chromatographie [5], spectrophotométrie [6] ou spectrofluorescence [7] utilisées en laboratoire, elles sont d’un coût réduit, simples d’utilisation, produisent des résultats en temps réel et peuvent être développées sur site. Le dosage du fer par électrochimie a fait l’objet de divers travaux et d’une revue récente [8]. Dans le cadre du projet, il s’agit de mettre au point un capteur répondant aux exigences en termes de sélectivité (dosage spécifique des ions Fe3+ et/ou Fe2+), de domaine linéaire de concentration (de 2 à 10 µmol. L-1), de limite de détection (LOD) et de durée de vie (plusieurs mois) en utilisant un protocole le mesure le plus simple possible et en mobilisant les moyens analytiques a minima.
3/ Organisation des travaux
Nos travaux porteront sur le suivi du comportement de Lp en présence ou en absence de fer (complémentation par le pyrophosphate de fer par exemple). Afin de contrôler et de différencier le rôle du Fe2+ et du Fe3+, une première étape concernera la corrélation entre pH et forme ionique détectée et l’impact sur la bactérie. Le caractère oxydant (condition aérobie) ou réducteur (condition anaérobie) du milieu sera aussi analysé. Pour étudier la nécessité du Fe2+ ou du Fe3+ dans le milieu, des chélateurs (type DFX – deferoxamine mésylate – chélateur de Fe3+ ou DIP – 2,2’ dipyridyl – chélateur de Fe2+) pourront également être utilisés. Le suivi de Lp dans ces différentes conditions concernera la forme planctonique, mais également la forme sessile (biofilm), largement mise en cause dans la contamination des TAR et des réseaux. La libération de bactéries issues de biofilms en fonction de la concentration en Fe2+ ou Fe3+ sera notamment étudiée.
Concernant la mise au point du capteur électrochimique, trois verrous ont été particulièrement identifiés. Le premier concerne la sensibilité du capteur, qui doit être suffisamment élevée pour atteindre de faibles concentrations. Des méthodes électro-analytiques à re-dissolution seront privilégiées pour favoriser la pré-concentration des espèces à la surface de l’électrode. Elles seront couplées à des rampes en potentiel impulsionnelles ou à vagues carrées. Le deuxième verrou concerne la spéciation du fer. Deux stratégies seront étudiées : l’une est basée sur l’emploi d’un couple de microélectrodes fonctionnalisées par des chélateurs spécifiques, l’autre envisage la réduction préalable de Fe(III) en Fe(II) puis la détection du Fe(II) à un pH moins acide. Le troisième verrou concerne la stabilité de l’électrode. Elle sera évaluée et améliorée, notamment en intégrant une étape de fonctionnalisation supplémentaire par greffage de sel de diazonium [9].
Ce projet vise à mettre au point un capteur de fer innovant pour la maîtrise du risque légionnelles dans le domaine industriel et plus particulièrement pour le pilotage en ligne des TAR. L’utilisation de ce capteur permettra un usage plus rationnel des produits biocides par les industriels. Il comprendra les tâches suivantes :
Tâche 1 : Etude bibliographique – état de l’art
Tâche 2 : Etude en laboratoire du comportement Lp en présence de fer.
Tâche 3 : Mise au point du capteur életrochimique à fer en laboratoire – validation sur Lp planctonique/biofilm et eaux de différentes qualités.
Tâche 4 : Développement du protoype TAR – intégration de la boucle d’essais Lp – validation du fonctionnement et de la maîtrise des rejets (air – eau).
Tâche 5 : intégration du capteur dans la TAR et essais à l’échelle pilote.
4/ Consortium
Le projet réunit deux équipes de recherche du Laboratoire de Génie Chimique (LGC) et un partenaire industriel.
L’équipe Ingénierie des biofilms et Santé est reconnue pour ses compétences dans les domaines de la caractérisation des écosystèmes microbiens [1]. Elle est dirigée par Christine Roques, Professeur de Microbiologie Industrielle, Hygiène, Environnement à la Faculté des Sciences Pharmaceutiques de l’Université Paul Sabatier Toulouse 3, et également Praticien Hospitalier au CHU de Toulouse, au sein du Plateau Technique Infectiologie de l’IFB (Institut Fédératif de Biologie). Elle a participé au groupe d’experts Air-Eau-Santé ainsi qu’aux travaux de l’ANSES dans le cadre du CES Biocides et est actuellement Présidente de la Commission Technique Européenne CEN/TC216 (Antiseptiques et désinfectants).
L’équipe Capteurs Electrochimiques est spécialisée dans la mise au point et le développement de capteurs électrochimiques et de méthodes électrochimiques d’analyse pour le suivi et le contrôle des procédés. Un axe de recherche concerne la détection et le dosage de métaux lourds (mercure, plomb, nickel) à l’état de trace dans les eaux de surface [2]. L’équipe est dirigée par le Pierre GROS, Professeur de l’Université Paul Sabatier Toulouse 3, qui est également co-animateur avec Christine ROQUES de l’axe transversal Ingénierie pour la Santé du LGC.
RESONET est une société de traitement de l’eau de process dans l’industrie et les collectivités. Son activité est de suivre et traiter les eaux de chaudières vapeur, de refroidissement, de chauffage, de climatisation, des eaux sanitaires, déminéralisées, osmosées. Elle commercialise du matériel de traitement d’eau et des produits chimiques de conditionnement. L’objectif de RESONET dans ce projet est de contrôler la maintenance des tours aéro-réfrigérantes (TAR) afin d’y limiter la prolifération de légionnelles et en particulier de Legionella pneumophila.
5/ Candidatures
La thèse est susceptible de débuter en octobre 2017 et d’être financée par une bourse CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche) co-financée par l’Agence Nationale de la Recherche et de la Technologie. Elle sera préparée dans les équipes de recherche du LGC et dans la société RESONET. Les candidats devront être titulaires d’un Master 2 ou d’un titre d’ingénieur en chimie / chimie analytique / chimie-physique / génie des procédés à la date de début des travaux et avoir des compétences avérées en électrochimie et éventuellement en biologie. Des capacités d’autonomie et de travail en équipe sont attendues.
Les candidatures (CV, lettre de motivation et noms de référents) sont à envoyer avant le 22 mai 2017 à Christine ROQUES () et Pierre GROS (). Les candidats retenus seront auditionnés le 29 mai 2017 au matin.
[1] Portier et al., Microbes Environ. 2016, Epub ahead of print.[2] Bargellini et al., Water Res., 2011, 45, 6.
[3] Serrano-Suarez et al., 2013, Environ. Sci. Pollut. Res. Int., 20, 8.
[4] Rakic et al., 2016, Environ. Monit. Assess., 188, 2.
[5] P. Pohl et al., Trends Anal. Chem., 2006, 25, 909.
[6] T. Asadollahi et al., Cur. Anal. Chem., 2014, 10, 590.
[7] O. Lau et al., Anal. Chim. Acta, 1993, 280, 269.
[8] M. Lu et al., Electroanalysis, 2012, 24, 1693.
[9] W. Richard et al., J. Electroanal. Chem., 2012, 685, 109.